"La volonté de bien-être ou le cynisme heureux"
Résumé
Dans l’oeuvre de Toussaint, la sérénité est un masque. Seule compte la peur.
L’humour, le ton détaché de Toussaint ne sont en effet que des mécanismes de défense.
Mais d’où vient cette inquiétude ? Et pourquoi cette volonté de la dissimuler ? L’étude qui
suit cherche à comprendre cette peur, à lui donner un objet, un contour, un nom. Dans
l’univers de Toussaint, ce qui suscite la peur est moins l’amour que l’action ou le travail,
bref l’effort nécessaire pour sortir de la virtualité, du rêve, du songe. La radiographie de
cette peur du travail constitue sans doute la contribution majeure de Toussaint à l’effort de
ses contemporains pour se comprendre eux-mêmes, pour comprendre leur présent et la
perplexité qu’il provoque ; car cette peur n’est pas le simple symptôme d’un malaise
purement individuel : elle a aussi une portée sociale. Le cynisme consiste ainsi à s’autoriser
de cette peur présentée comme indicible et insurmontable pour laisser travailler les autres –
et récolter les fruits de leur labeur. Ce taoïsme roublard (et passablement mystificateur)
trouve sa plus belle formulation dans Autoportrait (à l’étranger), dans le chapitre « Hanoï »,
qui décrit le bonheur de Toussaint « assis dans la nacelle d’un cyclo-pousse ». Dans cette
scène qui réalise l’idéal de la déprise, l’un travaille et l’autre rêve, en toute bonne
conscience : ce partage des rôles assumé, jamais interrogé, abolit la peur ; il pacifie l’esprit
alarmé du songeur. Mais quel est le coût social et éthique d’une si injuste division du
travail ? Et si l’humour ou la séduction de Toussaint était justement l’expression de cette
mauvaise foi qui permet de refouler la question qui fâche ?
Domaines
Littératures
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)