Au début du XIXe siècle, l’histoire est une discipline hybride qui n’a pas encore obtenu un statut scientifique bien déterminé. Les romanciers et les historiens s’attachent ainsi à écrire les événements historiques en mêlant les genres et les pratiques : histoire, roman, poésie, théâtre, sciences de la nature, peinture, mémoire, discours, autant d’écritures qui se mêlent et qui se fondent ensemble dans une même volonté de transmettre l’histoire, c’est-à-dire de la vulgariser à destination d’un public non savant sans pour autant nuire à son exigence et à sa scientificité naissante. Le lecteur trouve ainsi sa place au sein même des textes, mis en scène comme un compagnon de route de l’historien qui le suit dans un voyage à la fois temporel et géographique et qui l’amène à observer l’histoire, à la vivre et à la revivre, à l’écouter et à la sentir ; la première moitié du XIXe siècle donne donc à lire une histoire sensualiste qui s’attache à toucher les souvenirs, l’imagination et les espérances du lecteur, tant l’histoire se constitue déjà comme un certain rapport au passé, au présent mais aussi au futur. L’écriture est alors profondément personnelle : le début du XIXe siècle parvient à articuler la présence incessante et parfois obsédante du moi de l’historien à une exigence de scientificité qui passe par la monstration des sources, des manques et des silences de l’histoire. Le lecteur est donc invité à coopérer à l’écriture de l’histoire, à compléter ces manques, à prendre une part active à la constitution de la discipline historique, dans une marche et démarche pédagogiques qui font du livre d’histoire un véritable dialogue entre l’auteur et le lecteur.