Stéphane Audeguy et Philippe Vasset, ou l’art de la satire sadique
Résumé
À partir de deux exemples de romans particulièrement réussis (Stéphane Audeguy,
Nous autres, Gallimard, 2009 et Philippe Vasset Journal intime d’une prédatrice, Fayard,
2010), cet article s’interroge sur les caractéristiques de la satire contemporaine. L’hypothèse
est que celle-ci s’interdit de penser qu’elle peut changer le monde, car savoir et comprendre
ne sont plus les garanties suffisantes de pouvoir. À cette modestie, le satiriste trouve une
compensation affective dans la satisfaction de devoir décrire un réel à la fois atroce et tout
puissant, qui n’est autre que le capitalisme mondialisé. Une fois défini l’ethos du romancier
satiriste (l’exposition du sujet parlant au mal qu’il dénonce, la volonté didactique de produire
une description objective du mal, et le constat de l’impuissance politique à changer le cours
des choses), l’étude convoque des intertextes prestigieux pour explorer les thèmes de ces
récits satiriques : à Proust et Flaubert, Vasset emprunte l’analyse de la mondanité, qui crée un
écart entre l’être et la paraître ; à Flaubert, il doit l’analyse de l’imaginaire kitsch de
dominants très superficiellement cultivés. À la suite de Flaubert Vasset et Audeguy
diagnostiquent l’effondrement des utopies politiques. L’intention de la satire sadique se
découvre alors : il s’agit de montrer, à l’échelle de « romans mondes », que si la
mondialisation économique est inéluctable, elle n’en est pas pour autant heureuse. La satire
décrit la crise ou la catastrophe mais ne transforme rien ; elle est donc mélancolique ; ce
faisant, elle exprime le désarroi contemporain.
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