La légitimation du journaliste sur le web, enquête sur les méthodes de " search engine optimization " employées par la rédaction du magazine l'Etudiant - Université de Lille Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2012

La légitimation du journaliste sur le web, enquête sur les méthodes de " search engine optimization " employées par la rédaction du magazine l'Etudiant

Résumé

Les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, furent dès 1998 partisans de la norme automatique (Battelle, 2005) : ils souhaitaient avoir le moins possible à intervenir manuellement et rechignaient à l'idée de négocier avec les éditeurs (Auletta, 2010), le processus d'infomédiation (Rebillard, Smyrnaios, 2010) devant selon eux demeurer matriciel. Cela est caractéristique d'un positionnement " moteur de recherche " plutôt que d'un positionnement " média " (Smyrnaios, Boure, 2006) et a fortement contribué au succès du moteur (Van Couvering, 2011). Tandis que certaines des couches de la chaîne de médiation liées au support physique - impression, distribution - ont disparu sur le réseau Internet, les gatekeepers historiques existent encore mais ont moins de pouvoir en ce qui concerne la visibilité des informations qu'ils rendent accessibles, tandis que de nouveaux acteurs sont apparus - des " métaformes " (Rieder, 2005) - qui ne rendent pas " accessible " mais " visible " l'information. Dans les publications académiques, on nomme ces acteurs " gatewatchers " (Bruns, 2003), " média navigationnel " (Van Couvering, 2011) ou encore " web-média " (Le Crosnier, 2009) afin de les différencier des acteurs traditionnels de l'industrie des médias tout en indiquant bien quel rôle ils jouent vis-à-vis de l'inscription de l'information dans un espace public reconfiguré sous forme d'une échelle de visibilité où tout est accessible mais où certains contenus sont " plus publics " que d'autres (Cardon, 2010). Les concepteurs des algorithmes de recherche, qui fixent les normes en déterminant critères et pondérations, ont dès lors une forme de " responsabilité " vis-à-vis du contenu placé à l'avant-scène de cette échelle (Rieder, 2006). Le journalisme, considéré comme une " pratique d'organisation " (Le Coadic, 2006), est amené sur le web à utiliser des technologies qui le différencie en partie des autres formes de journalisme (Estienne, 2007). Celles-ci peuvent, associées aux difficultés pour les sites d'établir un modèle économique (Gabszewicz, Sonnac, 2010), avoir une influence sur les caractéristiques du bien produit et la définition même de ce qu'est un journaliste. Notamment, " l'idéologie des nouvelles technologies de l'information et le thème de la société de l'information pourraient, paradoxalement, conduire à un effritement de la légitimité journalistique " (Wolton, 2003, p. 10). Le rôle du journaliste, qui consiste à assurer " tout ou partie du travail de collecte, de traitement et de présentation des informations relatives à des faits ou événements d'actualité " (Balle, 1998, p. 134), est en effet sous le feu constant de " l'amateur " et des " chargés de communication " dont les contenus peuvent, sur les sites des moteurs, passer " devant " les contenus que le journaliste a produit. Il semblerait alors que la maîtrise des normes régissant le référencement, grâce à un apprentissage des techniques de Search Engine Optimization (SEO), pourrait permettre au journaliste, qui s'assurerait alors lui-même de la visibilité du contenu qu'il produit, de retrouver un statut proche de celui des journalistes des autres supports. Dans une perspective socioéconomique, nous proposons de répondre à la question suivante : comment, dans une entreprise pour laquelle l'audience apportée par les moteurs de recherche est considérable, les normes liées au référencement sur Google influencent-elles le travail des journalistes ? Pour cela, grâce à des interviews des employés du magazine l'Etudiant (journalistes, équipes marketing et internet), lequel a la particularité d'être un " média de service " dont plus de 60% de l'audience provient de Google, nous commencerons par voir quels sont les outils mis à disposition des journalistes pour que leurs articles soient optimisés (Google friendly) et quelle est l'utilisation qu'ils font effectivement de ces dispositifs. Dans une seconde partie, nous verrons comment cette situation de dépendance vis-à-vis de Google influe sur les rapports entre les équipes Internet, les équipes marketing et les journalistes. Puis nous questionnerons les impacts de tels enjeux techniques et organisationnels en terme de " qualité du bien produit ", notamment en considérant la manière dont les journalistes de l'Etudiant arbitrent entre une écriture incitative (pour le webnaute) et une écriture SEO (pour le moteur). Enfin, nous essaierons de conclure en ouvrant de nouvelles pistes liées principalement à l'idée qu'aujourd'hui, la légitimité du journaliste web dépend de la manière dont celuici actualise les normes propres au réseau. Le journaliste trouve ainsi le moyen de redorer, par des techniques de communication, son blason de " professionnel de l'information ".
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-00840652 , version 1 (02-07-2013)

Identifiants

  • HAL Id : hal-00840652 , version 1

Citer

Guillaume Sire. La légitimation du journaliste sur le web, enquête sur les méthodes de " search engine optimization " employées par la rédaction du magazine l'Etudiant. Communiquer dans un monde de normes. L'information et la communication dans les enjeux contemporains de la " mondialisation "., Mar 2012, France. ⟨hal-00840652⟩
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