. Un-personnage-qui-dirait-«-j-'attendais-toujours-que-quelqu, un me regarde » serait le héros d'une fiction sartrienne de la mauvaise foi ; le lecteur verrait le sujet petit bourgeois se constituer sous l'oeil aliénant et séduit de son public. Mais Momo ne peut pas dire son trauma dans la langue de Sartre, puisque d'une part il ne possède pas cette langue, et que d'autre part il ne s'agit pas du même trauma. « ? Qui est l'aîné là-dedans ? Je lui ai dit que c'était Momo comme d'habitude

«. Là-dedans-de-madame-rosa-et-qui-métaphoriquement-désigne-la-vie-de-momo, en se cachant sous un nom à la troisième personne, pour se protéger de très prévisibles « emmerdes ». Pour lui, l'accès à un je aussi clair et distinct qu'une idée cartésienne est problématique : « on m'examinait comme si c'était quelque chose d'important » (VDS, 30, je souligne) Certes, comme son nom l'indique assez, Momo aime les mots ; pourtant, parfois, sous la pression du réel, les mots manquent ; ça, petit prince au sens magiquement indéfini, offre alors ses services Résumons : la vérité dans le style a besoin de l'hyperbole et de l'incongruité car le réel est excessif et incongru. Il est à l'image de cette Madame Rosa de quatre vingt-quinze kilos qu'une métaphore hyperbolique et incongrue croque sur le vif : « quand elle marchait, c'était un déménagement » (VDS, 74) Ou encore : « elle pesait dans les quatre-vingt-quinze kilos, tous les uns plus moches que les autres » (VDS, 116) La permutation défige l'expression figée (« tous plus moches les uns que les autres ») ; la langue, incongrue, déraille ; de la faute naît le style, cette posture éthique et langagière d'un sujet réduit à énumérer, l'une après l'autre, toutes les disgrâces qui pèsent sur une vie, et qui de cette plainte, tire un trait d'humour. En voyant Madame Rosa rendue inerte par la maladie, un ami de Momo lui tend ce papier laconique : « C'était marqué : enlèvement gratuit gros objets tel. 278 78 78. » (VDS, 207) Un instant, le pathos est tenu à en lisière. Mais le travail sur la pure émotion n'épuise pas les vertus du style ; celui-ci révèle aussi l'existence de la pensée dans l'émotion ; il dit comment l'esprit vient aux pauvres : « Il y a des gens qui ont tout, qui sont moches, vieux, pauvres, malades, et d'autres qui n'ont rien du tout. C'est pas juste » (VDS, 217) Que veut dire, ne connaissent rien à la vie : Ils étaient blonds et habillés comme on croit rêver. [?] Je n'ai jamais vu des mômes aussi blonds que ces deux-là. Je vous jure qu'ils avaient pas beaucoup servi, ils étaient neufs. Ils étaient vraiment sans rapport. [?] On était pas du même quartier, quoi. (VDS, pp.221-223

. La-confusion-est-ici-l-'indice-de-la-vérité, elle passe par la figure de style, une métaphore fondée sur une relation d'équivalence entre l'enfant et ses vêtements : « ils étaient neufs », ces enfants, comme leurs habits, car l'habit fait le moine. Ces enfants « qui n'ont pas beaucoup servi », ou dont la vie ne s'est pas beaucoup servie, ne savent donc rien : ils sont neufs, ils sont niais. Ils ne pourraient énoncer la conclusion qui fulgure : « On était pas du même quartier, quoi. » Certes, Momo ne connaît pas l'expression joliment adéquate habillé comme une gravure de mode, pas plus qu'il n'a accès à la langue des concepts

«. Rosa and . Moi, on ne peut pas sans l'autre. » (VDS, 252) Ex5 et 6 (addition) : « elle s'arrachait les cheveux + qu'elle n'avait déjà pas » (VDS, 20) ; « je suis resté muet comme une carpe + à la juive, p.213

. La-permutation and . Qui-rappelle, hypallage, consacre l'indistinction entre Momo et les objets qu'il collecte (exemple 1) ; plus subtilement, dans l'exemple 2, l'affect contamine la durée où il se déploie ; le déplacement du complément sans explication suffit à donner l'impression que la tristesse évide le temps de tout sens